Les marins italiens Massimilano Latorre et Salvatore Girone, encadrés par des policiers indiens en mai 2012, après leur inculpation pour la mort de deux pêcheurs indiens. (Photo AFP/STR)AFP
Salvatore Girone et Massimilano Latorre, deux militaires italiens en service, étaient engagés le 15 février dernier dans une mission de lutte contre la piraterie dans l'intérêt de l'Italie. En cas de manœuvres suspectes, les règles d'usage de la force armée sont strictes : d'abord des mises en garde répétées et, en l'absence de réponse, des tirs de sommation pour dissuader, jamais pour tuer.
Quoi qu'il en soit, deux pêcheurs sont morts, et même si l'Etat affirme le contraire, il se peut que nos compatriotes aient commis des erreurs durant ce drame : ils devraient dans cette hypothèse en répondre devant la justice de leur pays, qui, dans des cas de ce genre, est tenue d'ouvrir une enquête. C'est sur la base de ces règles, et non de présumées pulsions meurtrières, que leurs actes devraient être évalués, sans prêter foi aux reconstructions fantaisistes et inexactes qui ont proliféré ces derniers mois.
Accusations d'une "italian connection"
L'Inde est un Etat jeune nourri d'un fort sentiment d'identité nationale, dont l'intransigeance est renforcée par la mémoire du récent passé colonial. L'Inde n'est pas anti-italienne : notre pays suscite beaucoup de sympathie parmi la bourgeoisie émergente, attirée par son inventivité, sa mode, son luxe, même si nous ne sommes pas toujours pris au sérieux.
Le "facteur Italie" pèse par contre beaucoup plus sur le plan intérieur : Sonia Gandhi a dominé la scène politique pendant plus d'une décennie et ses origines italiennes, brandies par l'opposition comme le signe d'un inévitable manque de fiabilité dans la gestion des affaires du pays, ont constitué sa principale faiblesse – parfois la seule. Peu importe qu'elle ait donné d'innombrables preuves du contraire : les accusations d'une "italian connection" réapparaissent régulièrement chaque fois que l'Italie est à l'ordre du jour en Inde, qu'il s'agisse de business, ou en l'occurrence de relations politiques.
Obtenir un arbitrage international
Le parti du Congrès [dont Sonia Gandhi est la présidente] s'apprête à affronter les prochaines élections politiques du printemps en position de faiblesse. Après trois générations au pouvoir, la perspective que la dynastie Gandhi cède son sceptre à une coalition nationale-hindouiste aux forts accents populistes devient concrète. Dans de telles conditions,l'affaire des deux marins italiens risque de peser lourdement sur une campagne électorale déjà problématique. La justice indienne est indépendante mais n'est pas dénuée d'arrière-pensées politiques : j'espère me tromper mais je ne serais pas surpris que Sonia Gandhi caresse l'idée d'un gel de toute l'affaire jusqu'à l'été. Une fois les élections remportées ou perdues, l'éventail d'options pourrait se préciser.
Cela ne veut pas dire qu'il faille subir en silence ou ralentir nos efforts. L'Inde est une grande démocratie ; elle parle anglais et ses élites suivent des modèles d'inspiration anglo-saxonne. Mais l'Inde n'est pas l'Occident et elle respecte en premier lieu la dynamique des rapports de force. Ce n'est pas le pays spirituel et débonnaire que d'aucuns imaginent, mais un pays par moments intolérant et violent. On aurait tort de l'oublier, ou bien à nos risques et périls, comme diraient les Anglais. Nous devrions mettre en œuvre tous les moyens pour contester la compétence de la justice indienne sur cette affaire ou obtenir au minimum un arbitrage international.
Les erreurs de l'Italie
Nous avons envoyé par le passé des signaux contradictoires – en dépêchant un ministre des Affaires étrangères à Delhi à quelques jours du drame pour finalement essuyer un refus, ou en indemnisant immédiatement les familles des victimes, au risque d'alimenter les soupçons de culpabilité. Mais il n'est pas trop tard pour corriger le tir.
Plutôt que sur le gel de négociations bruxelloises sur lesquelles les Indiens eux-mêmes sont plutôt prudents, c'est sur le sujet de l'incompatibilité entre les aspirations indiennes à jouer un rôle de premier plan au sein du Conseil de sécurité et son refus d'assumer un rôle proportionné dans la lutte contre le fléau de la piraterie que nous aurions quelques bonnes cartes à jouer à l'Assemblée générale de l'ONU. Sans avoir peur de manifester un peu d'âpreté sur d'autres plans également, et en évitant les faux pas inutiles.
La peine de mort n'est appliquée qu'en de rares occasions en Inde et au début de cette affaire Delhi n'y pensait pas sérieusement. C'est nous qui avons soulevé le sujet, pensant peut-être que le tollé journalistique pourrait renforcer notre position. Alors qu'il a fourni aux autorités indiennes un argument tactique inespéré pour nous mettre en difficulté. Le sujet est maintenant sur la table et nous courrons le risque de devoir un jour remercier Delhi pour avoir épargné à Latorre et Girone la peine capitale. Ce serait pour le coup un beau but contre notre camp.
Quoi qu'il en soit, deux pêcheurs sont morts, et même si l'Etat affirme le contraire, il se peut que nos compatriotes aient commis des erreurs durant ce drame : ils devraient dans cette hypothèse en répondre devant la justice de leur pays, qui, dans des cas de ce genre, est tenue d'ouvrir une enquête. C'est sur la base de ces règles, et non de présumées pulsions meurtrières, que leurs actes devraient être évalués, sans prêter foi aux reconstructions fantaisistes et inexactes qui ont proliféré ces derniers mois.
Accusations d'une "italian connection"
L'Inde est un Etat jeune nourri d'un fort sentiment d'identité nationale, dont l'intransigeance est renforcée par la mémoire du récent passé colonial. L'Inde n'est pas anti-italienne : notre pays suscite beaucoup de sympathie parmi la bourgeoisie émergente, attirée par son inventivité, sa mode, son luxe, même si nous ne sommes pas toujours pris au sérieux.
Le "facteur Italie" pèse par contre beaucoup plus sur le plan intérieur : Sonia Gandhi a dominé la scène politique pendant plus d'une décennie et ses origines italiennes, brandies par l'opposition comme le signe d'un inévitable manque de fiabilité dans la gestion des affaires du pays, ont constitué sa principale faiblesse – parfois la seule. Peu importe qu'elle ait donné d'innombrables preuves du contraire : les accusations d'une "italian connection" réapparaissent régulièrement chaque fois que l'Italie est à l'ordre du jour en Inde, qu'il s'agisse de business, ou en l'occurrence de relations politiques.
Obtenir un arbitrage international
Le parti du Congrès [dont Sonia Gandhi est la présidente] s'apprête à affronter les prochaines élections politiques du printemps en position de faiblesse. Après trois générations au pouvoir, la perspective que la dynastie Gandhi cède son sceptre à une coalition nationale-hindouiste aux forts accents populistes devient concrète. Dans de telles conditions,l'affaire des deux marins italiens risque de peser lourdement sur une campagne électorale déjà problématique. La justice indienne est indépendante mais n'est pas dénuée d'arrière-pensées politiques : j'espère me tromper mais je ne serais pas surpris que Sonia Gandhi caresse l'idée d'un gel de toute l'affaire jusqu'à l'été. Une fois les élections remportées ou perdues, l'éventail d'options pourrait se préciser.
Cela ne veut pas dire qu'il faille subir en silence ou ralentir nos efforts. L'Inde est une grande démocratie ; elle parle anglais et ses élites suivent des modèles d'inspiration anglo-saxonne. Mais l'Inde n'est pas l'Occident et elle respecte en premier lieu la dynamique des rapports de force. Ce n'est pas le pays spirituel et débonnaire que d'aucuns imaginent, mais un pays par moments intolérant et violent. On aurait tort de l'oublier, ou bien à nos risques et périls, comme diraient les Anglais. Nous devrions mettre en œuvre tous les moyens pour contester la compétence de la justice indienne sur cette affaire ou obtenir au minimum un arbitrage international.
Les erreurs de l'Italie
Nous avons envoyé par le passé des signaux contradictoires – en dépêchant un ministre des Affaires étrangères à Delhi à quelques jours du drame pour finalement essuyer un refus, ou en indemnisant immédiatement les familles des victimes, au risque d'alimenter les soupçons de culpabilité. Mais il n'est pas trop tard pour corriger le tir.
Plutôt que sur le gel de négociations bruxelloises sur lesquelles les Indiens eux-mêmes sont plutôt prudents, c'est sur le sujet de l'incompatibilité entre les aspirations indiennes à jouer un rôle de premier plan au sein du Conseil de sécurité et son refus d'assumer un rôle proportionné dans la lutte contre le fléau de la piraterie que nous aurions quelques bonnes cartes à jouer à l'Assemblée générale de l'ONU. Sans avoir peur de manifester un peu d'âpreté sur d'autres plans également, et en évitant les faux pas inutiles.
La peine de mort n'est appliquée qu'en de rares occasions en Inde et au début de cette affaire Delhi n'y pensait pas sérieusement. C'est nous qui avons soulevé le sujet, pensant peut-être que le tollé journalistique pourrait renforcer notre position. Alors qu'il a fourni aux autorités indiennes un argument tactique inespéré pour nous mettre en difficulté. Le sujet est maintenant sur la table et nous courrons le risque de devoir un jour remercier Delhi pour avoir épargné à Latorre et Girone la peine capitale. Ce serait pour le coup un beau but contre notre camp.
Sonia Gandhi en porte-à-faux
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